César, le Rhône et Arles... à Genève
Pour nous autres profanes, surtout quand ils sont rhénans comme moi, l'idée semble (presque) saugrenue. Le Musée d'Art et d'Histoire de Genève organise une exposition consacrée aux Antiquités Romaines d'Arles.
Pour les spécialistes cela semble aller (presque) de soi. Arles et Genève sont unies par le Rhône, la conquête de la Transalpine, Jules César, le christianisme antique, mais surtout la longue histoire de travail en commun des archéologues des deux cités.
Même si l'argumentaire peut sembler un peu capilotracté, à quoi bon bouder son plaisir ? Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
Pour les spécialistes cela semble aller (presque) de soi. Arles et Genève sont unies par le Rhône, la conquête de la Transalpine, Jules César, le christianisme antique, mais surtout la longue histoire de travail en commun des archéologues des deux cités.
Même si l'argumentaire peut sembler un peu capilotracté, à quoi bon bouder son plaisir ? Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
C'est donc au bord du lac Léman, qu'il faudra se rendre entre le 8 février et le 26 mai 2019 pour voir enfin réunis un ensemble exceptionnel (plus de 400 pièces) d'habitude dispersé entre le Musée départemental d'Arles antique, le musée d'Art et d'histoire de Genève, le musée du Louvre et de nombreuses autres institutions.
Statue de captif - 4e quart du Ier siècle av. J.C.
Bronze -
Dimensions : H. 63,3 ; L. 28 ; Pr. 44,5 cm. Poids 18,96kg
Musée départemental Arles antique - Dépôt du DRASSM - Inv. RHO.2007.06.1962 - © MDAA, Jean-Luc Maby
Cette statue d’un homme nu à genoux, les mains entravées dans le dos, est d’une exécution exceptionnelle. Barbu et moustachu, certains y voient un Gaulois. Il faisait partie d’un groupe (perdu) auquel il a été arraché.
L’œuvre, qui représente vraisemblablement un barbare vaincu, devait appartenir à un monument public d’Arles conçu pour célébrer le triomphe de Rome. Il pouvait s’agir d’une commémoration de la conquête des Gaules par César, ou d’un symbole plus général du pouvoir romain. À la finesse d’exécution et à la dimension de la ronde bosse, on reconnaît le travail d’un atelier confirmé qui s’est inspiré d’un modèle hellénistique.
On peut imaginer ce à quoi devait ressembler le groupe statuaire d'après les représentations connues sur des monnaies romaines dès le milieu du Ier siècle av. J.-C. Le captif se tenait probablement à gauche, tourné vers un trophée se présentant sous la forme d’un mât auquel sont suspendues les armes des vaincus. À droite pouvait se trouver un autre captif, homme ou femme.
Il s’agit de l’une des plus anciennes représentations sculptées d’un captif nu en bronze appartenant à un trophée. On ignore comment il a pu se retrouver au fond du Rhône, d’où il a été tiré en 2007, mais ce sont les conditions particulières qu’offre ce milieu qui ont permis son exceptionnelle conservation.
César et le Rhône. Chefs-d’œuvre antiques d’Arles révèle le riche passé de la colonie romaine. Les collections du Musée départemental Arles antique, réunies aux objets arlésiens du Musée d’art et d’histoire, témoignent de trois siècles de prospérité découlant de sa position privilégiée, située près de la mer et sur l’axe rhodanien. Les fouilles subaquatiques ont révélé nombre de trouvailles dont l’étude a révolutionné les connaissances sur la cité : vestiges architecturaux d’édifices publics ou privés, objets de la vie quotidienne, éléments du monde funéraire...
Arles et Genève ont un passé commun : Jules César. Proconsul de la Gaule transalpine, il se rend à Genève en 58 av. J.-C. pour mettre un terme à l’émigration helvète. Il mentionne le bourg dans ses Commentaire sur la Guerre des Gaules, le faisant entrer dans l’histoire. Quelques années plus tard, pour les vétérans de la VIe légion de Tiberius Claudius Nero, César fonde la colonie d’Arles, qui connaîtra un développement heureux et prospère.
Les deux cités sont également liées sur le plan géographique, car l’une comme l’autre sont situées à des points stratégiques de l’axe rhodanien. Si Arles concentrait le trafic des personnes et des marchandises provenant de tout la Méditerranée, Genève assurait le rôle de plaque tournante vers l’Europe septentrionale.
Parmi les trouvailles les plus insolites faites à Arles figure un
embout de pipette de dégustation en terre cuite. Il s’agit d’un
objet à vocation commerciale, dont l’iconographie d’un sarcophage
illustre l’utilisation. On y voit un négociant tenant dans sa main
droite une coupe qu’il a remplie du vin d’un tonneau à l’aide de la
pipette qu’il tient dans sa main gauche ; le client s’apprête à goûter
le breuvage. C’est l’emptio ad gustu, soit l’achat au goût mentionné
par les textes antiques. Le client a emporté une bourse remplie d’argent
qui servira à conclure la transaction si le vin dégusté dans la
boutique lui plaît !
LE COMMERCE RHODANIEN
« Ouvre, Arles, douce hôtesse, ton double port, Arles, petite Rome gauloise, voisine de Narbonne (…). Par le Rhône tu reçois les marchandises de tout le monde romain, cependant tu ne les gardes pas pour toi, tu enrichis d’autres peuples, d’autres villes, tu en fais profiter la Gaule et l’Aquitaine au vaste sein », (Ausone, Ordo Urbium Nobilium, X, IVe siècle).
Arles est un trait d’union entre la Méditerranée et le réseau fluvial conduisant vers le nord et l’est de l’Europe et donc à Genève. Dotée d’un avant-port (Fos) et d’un port fluvio-maritime important, elle voit converger différents types de navires venant de tout le bassin méditerranéen, chargés de vin, d’huile, de garum (condiment en sauce), de conserves de poissons ou de fruits, de produits médicinaux, de matières premières, de vaisselle, d’objets de luxe, de sarcophages en marbre issus d’ateliers romains… Une partie de ces cargaisons, déchargée dans le port, est redistribuée sur place.
Ainsi, les amphores arrivées à destination étaient vidées ; le contenant, encombrant et désormais inutile, était souvent jeté dans les profondeurs du Rhône. Les dépotoirs ainsi constitués sont aujourd’hui une mine de renseignements pour les archéologues. Les autres marchandises, remontant le cours du Rhône, étaient redistribuées plus au nord, notamment à Genève.
Les fouilles subaquatiques, menées tant dans le Rhône qu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer, ont contribué à renouveler notre connaissance de la navigation antique. Si une majorité de bateaux fluviaux à fond plat devaient naviguer sur le Rhône, de petits navires maritimes remontaient également le fleuve, sans devoir effectuer une rupture de charge dans le port d’Arles.
LE COMMERCE RHODANIEN
« Ouvre, Arles, douce hôtesse, ton double port, Arles, petite Rome gauloise, voisine de Narbonne (…). Par le Rhône tu reçois les marchandises de tout le monde romain, cependant tu ne les gardes pas pour toi, tu enrichis d’autres peuples, d’autres villes, tu en fais profiter la Gaule et l’Aquitaine au vaste sein », (Ausone, Ordo Urbium Nobilium, X, IVe siècle).
Arles est un trait d’union entre la Méditerranée et le réseau fluvial conduisant vers le nord et l’est de l’Europe et donc à Genève. Dotée d’un avant-port (Fos) et d’un port fluvio-maritime important, elle voit converger différents types de navires venant de tout le bassin méditerranéen, chargés de vin, d’huile, de garum (condiment en sauce), de conserves de poissons ou de fruits, de produits médicinaux, de matières premières, de vaisselle, d’objets de luxe, de sarcophages en marbre issus d’ateliers romains… Une partie de ces cargaisons, déchargée dans le port, est redistribuée sur place.
Ainsi, les amphores arrivées à destination étaient vidées ; le contenant, encombrant et désormais inutile, était souvent jeté dans les profondeurs du Rhône. Les dépotoirs ainsi constitués sont aujourd’hui une mine de renseignements pour les archéologues. Les autres marchandises, remontant le cours du Rhône, étaient redistribuées plus au nord, notamment à Genève.
Les fouilles subaquatiques, menées tant dans le Rhône qu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer, ont contribué à renouveler notre connaissance de la navigation antique. Si une majorité de bateaux fluviaux à fond plat devaient naviguer sur le Rhône, de petits navires maritimes remontaient également le fleuve, sans devoir effectuer une rupture de charge dans le port d’Arles.
Le contrôle des marchandises
À l’époque romaine, le commerce est strictement réglementé. Une puissante administration contrôle tous les échanges. Dans les ports, les mensores (mesureurs) vérifient les cargaisons dès l’arrivée des navires, que les denrées soient conditionnées en vrac ou dans des amphores.
De nombreux témoignages du contrôle des marchandises sont parvenus jusqu’à nous. Parmi les
instruments de mesure figurent les balances à deux plateaux, munies de règles calibrées et de poids en métal. Leur précision est authentifiée par des poinçons. L’administration peut placer certains produits sous douane en scellant des caisses et des ballots au moyen de cachets de plomb.
Le commerce des denrées revêt naturellement pour l’administration un intérêt fiscal. Dès Auguste, les provinces sont taxées. La Quadragesima Galliarum (Quarantième des Gaules) est un impôt direct, créé vers 15 av. J.-C. Tous les biens qui y pénètrent par terre ou par mer sont frappés d’une taxe qui représente le quarantième de la valeur de la marchandise. Un réseau de stations est établi à cet effet.
Des postes de péages se trouvent dans les différents ports de Gaule (dont Arles), mais aussi le long des principaux axes routiers, comme à Genève et Saint-Maurice, sur la route reliant le lac Léman au col du Grand-Saint-Bernard. Ces informations nous sont parvenues grâce à des inscriptions.
Le chaland Arles-Rhône 3 - Construit entre 50 et 60 apr. J.-C. Bois de sapin et de chêne Musée départemental Arles antique - Dépôt du DRASSM Inv. RHO.2004.AR3.1 - © MDAA, Rémi Benali |
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Source du texte : Dossier de presse de l'exposition
Un grand merci aux équipes du MAH pour la richesse de la documentation et plus particulièrement à Sylvie Treglia-Detra pour sa disponibilité.
(à suivre, parce que cette exposition mérite un autre billet)
Source du texte : Dossier de presse de l'exposition
Un grand merci aux équipes du MAH pour la richesse de la documentation et plus particulièrement à Sylvie Treglia-Detra pour sa disponibilité.
(à suivre, parce que cette exposition mérite un autre billet)
Commissariat de l'exposition : Béatrice Blandin
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Petite bibliographie complémentaire :
- Le blog de l'Association Archéologie Sous-Marine (2ASM)
Le Gaulois captif, avant nettoyage
- Toujours le captif Gaulois, vu sous toutes les coutures, sur le site du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF).
- Monique Clavel-Lévêque - La domination romaine en Narbonnaise et les formes de la représentation des Gaulois.
"Et il n'est pas non plus indifférent de constater que les rapports dominants/dominés, Romains/indigènes sont alors présentés, par exemple par Strabon dans sa Géographie, dans une structure dichotomique. Structure qui partage le monde entre terres de civilisation et terres de barbarie, mais qui partage aussi le temps de l'histoire pour les peuples vaincus entre l'autrefois de l'indépendance, de la primitivité et de la guerre et l'aujourd'hui de la défaite et de l'acculturation dans la paix. À mon sens, il ne s'agit pas là seulement de thèmes rhétoriques, mais d'éléments d'un discours politique que véhiculent textes littéraires, décors sculptés et monnaies, éléments que peuvent lire aussi bien les provinciaux soumis que les Italiens."
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