César, le Rhône et Arles... à Genève (suite)

Vénus d’Arles
     Dernier quart du Ier siècle apr. J.-C. (d’après un modèle du IVe siècle av. J.-C.)

     Découverte à Arles, théâtre antique
     Marbre de l’Hymette, atelier de Rome (?) - Dimensions : H. 220 ; L. 102 ; Pr. 65 cm
     Musée du Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines
     Inv. MR 365 (Ma 439)
     © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Daniel Lebée / Carine Déambrosis

« Tu es belle, ô Vénus d’Arles, à faire devenir fou ! » louait un vieux poème provençal de Théodore Aubanel. Chateaubriand, Flaubert, George Sand, Alexandre Dumas, ou encore Stendhal, tous ont célébré le doux modelé de la Vénus d’Arles. Cette magnifique statue en marbre de près de deux mètres de haut est un prêt tout à fait exceptionnel du musée du Louvre, où elle fait partie de l’exposition permanente.
     Mise au jour en 1651, près du théâtre antique dont elle devait décorer le front de scène, elle constitue l’une des plus prestigieuses découvertes faites à Arles et fut d’ailleurs donnée à Louis XIV pour orner le palais de Versailles. Sa restauration controversée par le sculpteur Girardon, au XVIIe siècle, lui restitue des bras, qu’il imagine tenant une pomme et un miroir. Le drapé dévoile un torse délicat, la chevelure ondulée est retenue par un chignon et un double ruban, les lèvres et les paupières sont charnues. Il s’agit ici probablement d’une copie romaine d’un original grec de Praxitèle datant du IVe siècle av. J.-C. Modèle de beauté, symbole de pureté, cette Vénus aurait servi de référence à Frédéric Mistral pour vanter la beauté classique des Arlésiennes. 




Statue d’Apollon citharède
    Dernier quart du Ier siècle apr. J.-C
     Découvert à Martigny, insula 13, 2011  - Marbre de Paros
     Dimensions : H. totale conservée 115 et 107 cm
     Musée d’histoire du Valais, Martigny
     Inv. My 11/8560-001 et inv. My 11/8560-002
     © Michel Martinez et Jürg Zbinden

Statue d’Hercule
     Premier quart du IIe siècle apr. J.-C.
     Découvert à Martigny, insula 13, 2011 - Marbre de Paros
     Dimensions : H. totale conservée 115 et 107 cm
     Musée d’histoire du Valais, Martigny
     Inv. My 11/8560-001 et inv. My 11/8560-002
     © Michel Martinez et Jürg Zbinden

Mosaïque représentant l’enlèvement d’Europe Fin du IIe - début du IIIe siècle apr. J.-C.
     Découverte à Arles, Trinquetaille, route des Saintes-Maries-de-la-Mer, 1900
      Opus tessellatum - Dimensions : 205 x 187 cm
     Musée départemental Arles antique - Inv. FAN.1992.563
      © MDAA, Rémi Bénali

Portrait d’homme : César, fondateur de la colonie d’Arles (?)
     Milieu du Ier siècle av. J.-C.
     Découvert à Arles, fouilles du Rhône, 2007 - Marbre de Dokimeion (Turquie)
     Dimensions : H. 39,5 ; L. 22 ; Pr. 18 cm
     Musée départemental Arles antique  - Dépôt du DRASSM
     Inv. RHO.2007.05.1939
     © MDAA, Rémi Bénali
La découverte de ce buste dans le Rhône en 2007 a été très médiatisée. Sculpté en marbre blanc de Dokimeion (Turquie), il figure un homme imberbe d’âge mûr. Son front, large et dégarni, le contour de ses yeux et de sa bouche, ainsi que son menton sont marqués de profondes rides. Les cheveux fins sont peignés vers l’avant. La tête est légèrement inclinée vers la droite, comme le montrent les plis du cou, ce qui souligne une pomme d’Adam saillante. La découpe à l’arrière du buste et le ressaut situé en dessous, où étaient fixées deux tiges en fer, suggèrent son insertion dans un pilier en hermès.
     Exceptionnellement bien conservé, il n’a subi que des éraflures au niveau du nez et de l’oreille gauche.
     L’identification de ce portrait est encore sujette à débat et deux hypothèses principales ont été présentées. Les uns affirment que cet homme peut être identifié à Jules César par comparaison avec des portraits posthumes du dictateur. Cette représentation serait ainsi, au vu de sa datation, la seule exécutée de son vivant. Pour d’autres spécialistes, il s’agirait plutôt du portrait d’un contemporain de l’homme d’État, présentant des caractéristiques iconographiques « césariennes »…

Cuve de sarcophage dite de Prométhée, remployée, attribuée au tombeau d’Hilaire
     Vers 240 apr. J.-C.
     Sans doute placée dans la crypte de Saint-Honorat-des-Alyscamps au XIIe et mentionnée par les sources en ce lieu dès le XVIe siècle, offert à Louis XVIII en 1822
     Marbre, atelier de Rome  - Dimensions : H. 71 ; L. 221 ; l. 61 cm
     Musée du Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines
     Inv. LL 309 (Ma 339)

Relief votif figurant les Dioscures retaillé en bouche d’égout
     IIe siècle apr. J.-C.
     Découvert à Arles, fouilles du Rhône, 2007
     Marbre - Dimensions : H. 52 ; L. 38 ; Ép. 7,5 cm
     Musée départemental Arles antique - Dépôt du DRASSM
     Inv. RHO.2007.00.1953
     © MDAA, Lionel Roux

Couvercle du sarcophage d’Optatina Reticia, surnommée Pascasia
     Milieu du IVe siècle apr. J.-C.
     Découvert à Arles, depuis le XVIe siècle dans l'église de Saint-Honorat
    Marbre, atelier de Rome - Dimensions : H. 35,5 ; L. 164 ; Pr. 19 cm
     Musée départemental Arles antique - Inv. FAN.1992.2485
     © MDAA, Rémi Bénali
Ce couvercle de sarcophage figure en bas-relief des scènes de l’Ancien Testament : Adam et Ève se tiennent de part et d’autre de l’arbre du Bien et du Mal et cachent leur nudité avec une feuille alors que l’ange vient les chasser du Paradis ; plus loin, Daniel est figuré entre deux lions, recevant le secours divin ; enfin, tout à droite, on distingue l’histoire de Jonas, partiellement conservée.
     Emblématique d’un monde en transition, le cartouche porte une épitaphe de style encore classique, entourée par des génies ailés, réminiscence des amours païens. Le surnom de la défunte, Pascasia, ne laisse toutefois aucun doute sur sa foi chrétienne.
     Au XVIIIe siècle, ce couvercle a été remployé comme balustrade au maître-autel de l’église de Saint-Honorat.

Roue de chariot
     IVe siècle apr. J.-C. - Découverte à Arles, fouilles du Rhône, 2014
     Bois de frêne et fer - Dimensions : D. 102 cm
     Musée départemental Arles antique - Dépôt du DRASSM
     Inv. RHO.2014.X-Y.18.II.332
     © Restauration et cliché, ARC-Nucléart, Grenoble
Présentée pour la première fois au grand public et exceptionnelle par sa rareté et son état de conservation remarquable, cette roue en bois cerclée de fer était celle d’un chariot romain (carpentum ou carrus). C’est sa robustesse et la présence de dix rayons plutôt que huit qui permettent d’attribuer cette roue à un véhicule destiné au transport de matériaux lourds. Les pièces de bois ont été taillées dans un frêne commun, qui était très présent sur les rives antiques du Rhône et dont le bois dur et flexible était utilisé aussi pour les chars de combat. Cette roue a été découverte en 2014 dans un dépotoir du Rhône, entourée de statues et d’éléments architecturaux en marbre. 

Coffre - Ier-IIe siècle apr. J.-C. ?
     Découvert à Arles, fouilles du Rhône, 2013
     Bois, fer et alliage cuivreux - Dimensions : H. 38,5 ; L. 27 ; Pr. 18 cm
     Musée départemental Arles antique - Dépôt du DRASSM
     Inv. RHO.2013.Z620.1155,
     © Restauration et cliché, ARC-Nucléart, Grenoble
Découverte exceptionnelle, tant par son état de conservation que par le mystère qui entoure son contenu et sa fonction, ce coffre en bois renforcé de plaques en fer et en bronze a été repêché au sud d’Arles, en 2013, par 8 mètres de fond. Sur son sommet, une porte s’ouvrait vers le haut ; à l’avant on distingue les restes d’une serrure. Ce type de meuble devait servir à stocker des objets de valeur ou des ustensiles. Mais son contexte de découverte dans le fleuve, à proximité de fragments de stèles et de sarcophages liés à une nécropole des IIe et IIIe siècles, n’exclut pas une fonction funéraire. Il aurait alors été déposé dans la chambre d’un mausolée, comme réceptacle à offrandes ou comme coffret contenant les objets personnels du défunt. 

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Pour bien préparer sa visite, la présentation du parcours de l'exposition

L’exposition s’articule en cinq sections, qui mettent en scène plus de quatre-cents œuvres.
     Introduction 
     Au IIe siècle av. J.-C., la Narbonnaise entre dans l’orbe de l’Empire romain. Rome contrôle ainsi les deux axes cruciaux du monde méditerranéen occidental : la vallée du Rhône - de la mer à Genève - et les voies qui relient l’Italie à la péninsule ibérique.
     Une statue de captif en bronze remarquable tant par la qualité de son exécution que par son état de conservation, accueille le visiteur. Elle pourrait évoquer la soumission de la Narbonnaise et son intégration au sein de l’Empire.
     
 Section 1 : Le Rhône, fleuve aux trésors  
Les découvertes subaquatiques sont une source archéologique précieuse non seulement pour la connaissance de l’architecture navale, mais aussi pour celle de l’urbanisme, du commerce ou de la circulation des biens et des personnes. Les objets sortis du Rhône, de l’Arve et du Léman sont présentés au travers d’une scénographie évoquant le pont d’un chaland ainsi que le milieu subaquatique.
     Des pièces exceptionnellement bien conservées furent d’abord trouvées dans le Rhône, des Saintes-Maries-de-la-Mer à Genève, de façon fortuite. C’est le cas d’une statuette d’Hercule en bronze découverte dans le delta, de patères en argent apparues entre Arles et Tarascon ou d’un autel à Silvain retrouvé à Genève près du pont de l’Île.
     Les fouilles subaquatiques ne sont possibles que depuis trente ans, grâce aux progrès techniques du scaphandre autonome. L’épave d’un chaland gallo-romain de trente-et-un mètres de longueur, baptisé Arles-Rhône 3, que l’on peut rapprocher de nos péniches actuelles, a ainsi fait l’objet, entre 2008 et 2013, d’une fouille exhaustive, d’un renflouement suivi d’une restauration. Ce bateau, qui servait à transporter les marchandises le long du Rhône, occupe depuis octobre 2013 une place centrale au sein du Musée départemental Arles antique. Son état de conservation est remarquable, comme le montre la maquette qui en a été faite, présentée dans l’exposition auprès d’éléments d’origine de l’embarcation. Un film d’animation revient sur les circonstances de son naufrage. Des vitrines présentent en outre des objets liés à la construction et à l’architecture navales ainsi que des témoignages de la vie à bord, comme de la vaisselle ou des conserves employées par les marins.

Section 2 : Vie du port et commerce 
     Le commerce rhodanien, son organisation ainsi que la diffusion des marchandises sont mis à l’honneur. C’est en effet par Arles que transitent les produits parfois pondéreux qui sont ensuite transportés via le Rhône et ses affluents jusque dans nos contrées et même au-delà. Ainsi, des objets trouvés à Genève, telle une amphore de Gaza, ou provenant de la colonie romaine de Nyon (herme) ou de celle de Martigny (statues d’Apollon citharède et d’Hercule), viennent illustrer l’importance de cet axe commercial. 

Section 3 : Arles, «Petite Rome» des Gaules 
     Le plan urbanistique de la colonie d’Arles, ses monuments publics et ses décors sculptés reproduisent l’image de Rome. L’édification du rempart augustéen, du forum et du théâtre contribuent à la monumentalisation et à la romanisation de la colonie. Suit un siècle plus tard, sous les Flaviens, la construction de l’amphithéâtre, et enfin celle du cirque au milieu du IIe siècle. En témoignent une aquarelle de Jean-Claude Golvin, qui présente une vue aérienne de la cité, et des éléments d’architecture (chapiteaux, fragments d’architrave, acrotères) ou de décor sculpté (telle la Vénus d’Arles qui ornait le mur de scène du théâtre). La romanisation est également visible dans l’architecture privée et la vie quotidienne des habitants. Une remarquable mosaïque représentant Europe, qui ornait le sol d’une habitation privée, des pièces de mobilier, des éléments de parure ou encore des objets destinés à la toilette et aux soins en sont l’illustration.

Section 4 : La diffusion des idées 
     Cette section, initiée par des portraits d’hommes de pouvoir, pose un regard sur l’empreinte politique du modèle romain. Le buste présumé de César découvert à Arles en 2007, dont l’attribution continue à diviser les spécialistes, est mis en exergue. Une installation permet de comparer le profil de la statue avec ceux que l’on connaît par les monnaies frappées de son vivant mais aussi après sa mort. D’autres portraits sculptés ou représentés sur des monnaies émises par l’atelier monétaire d’Arles sont présentés chronologiquement.
     La visite se poursuit par l’évocation des valeurs que véhiculent les mondes païen et chrétien, tant dans le domaine des croyances et pratiques religieuses (la religion romaine et ses syncrétismes versus le monothéisme du christianisme) que dans le domaine funéraire. Un fragment de sarcophage païen orné d’un lion, dont le revers a été travaillé pour être remployé comme plaque de chancel, illustre le passage d’un monde à l’autre. Il en est de même d’un sarcophage présentant la légende de la création de l’homme par Prométhée qui aurait été réutilisé pour abriter la dépouille d’Hilaire, évêque d’Arles. 

Section 5 : Les gens d’alors (Genève) 
     Que se passait-il à Genève à l’époque romaine ? L’épigraphie livre un témoignage direct exceptionnel et d’une grande richesse. Quatre inscriptions de nature diverse jettent un éclairage sur la vie d’alors : la religion, les institutions, la mort, etc. Leur surface noircie par des années d’exposition à l’air dans la cour du MAH a été habillement restaurée en 2018 par les équipes de conservation-restauration au moyen d’un laser. Soutenues par une installation interactive, ces stèles dévoilent ainsi les échos de passions, de luttes et de drames…

Conclusion : la fin d’un monde 
     Quel sort fut donc réservé aux vestiges antiques d’Arles ? Alors que des éléments d’architecture ont été remployés, tel un relief figurant les Dioscures retaillé en bouche d’égout, l’amphithéâtre a dû sa survie aux maisons médiévales bâties en son sein.
     L’intérêt pour les ruines s’éveille dès le XVIe siècle. Le sol livre des objets collectés par les savants, tel Hippolyte-Jean Gosse, conservateur des Musées archéologique et épigraphique, qui ramène à Genève des objets arlésiens.
     Une carte de Genève apposée au sol clôt le parcours : les vestiges du passé romain de Genua, bien moins visibles qu’à Arles, sont cependant toujours-là, mais sous nos pieds et au musée ! 
(Source : Dossier de presse de l'exposition)

Un grand merci aux équipes du MAH pour la richesse de la documentation et plus particulièrement à Sylvie Treglia-Detra pour sa disponibilité.

Commissariat de l'exposition : Béatrice Blandin

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