Paul Gaugin - Le porteur de Fei et la suite Vollard (1898-99)

 

Paul Gauguin - Le porteur de Fei

Les autres planches de la Suite Vollard de Gauguin

Les épreuves du Porteur de feï présentent des différences dues à l’encrage inégal d’un bois irrégulier et aux conditions rudimentaires de l’impression manuelle. Des taches d’encre parsèment diversement le fond blanc dans certaines épreuves (PG3, n° 6, 12, 22, 23) ; les noirs peuvent pâlir ou présenter des zones non encrées (n° 12, n° 16) ; de menus détails modifient certains contours. Des traces noires apparaissent au-dessus de la vache dans quelques épreuves (notamment n° 21, 22, 23 et 25). Dans les épreuves n° 27, 28 (la nôtre) et 29, le creux du tronc de l’arbre a « blanchi » du fait que les tailles, très marquées dans les autres épreuves, n’ont apparemment pas été réencrées (l’épreuve numérotée 27 est reproduite dans le catalogue de la galerie R-G. Michel, mai 1970, lot n° 96 ; l’épreuve numérotée 29 est reproduite dans le catalogue de l’œuvre gravé de Paul Gauguin par Marcel Guérin). Chaque épreuve présente ainsi des particularités qui la distinguent. 

 

 

Le Porteur de feï appartient à une série de 14 bois gravés, appelée parfois Suite Vollard, que Gauguin réalisa en 1898-99 lors de son second séjour à Tahiti. En décembre 1899, il écrivit à son ami Daniel de Monfreid qu’il avait terminé quinze gravures (Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, 1950, n° LIX, 151). En janvier 1900, il annonça à Ambroise Vollard, qui était son marchand, qu’il lui enverrait : « le mois prochain par quelqu’un qui va en France 475 épreuves environ de gravures sur bois. » Il précisait : « Chaque planche est tirée à 25 ou 30 numérotées, puis les planches détruites. » (Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis, 1946, Lettre n° CLXXIII, p. 301). Monfreid reçut le paquet de gravures et le transmit à Vollard qui les jugea sans valeur. La taille au canif, l’irrégularité du bois et les aléas de l’impression manuelle leur avaient donné un aspect fruste et malhabile qu’accentuaient encore les défauts d’encrage. Ces imperfections étaient cependant voulues par Gauguin. En décembre 1899, il avait écrit à Monfreid : « Faites sur des planches quelconques et avec des yeux de plus en plus mauvais, ces gravures sortent forcément du sale métier ordinaire et sont très imparfaites, mais elles sont je crois intéressantes comme Art. » (Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, 1950, n° LIX, 151). Dans une autre lettre, écrite en août 1901, il rapprochait ses bois gravés des images des « temps primitifs » : « C’est justement parce que cette gravure retourne aux temps primitifs de la gravure qu’elle est intéressante ». Et il ajoutait : « Je suis sûr que dans un temps donné mes gravures sur bois si différentes de tout ce qui se fait en gravure auront de la valeur. » (Lettres de Paul Gauguin à Georges-Daniel de Monfreid, LXXV). Dans la même lettre, Gauguin demandait à Monfreid de reprendre les gravures chez Vollard et lui suggérait de faire encadrer quelques spécimens « soit seuls soit deux par deux » pour les exposer chez lui et vendre des épreuves aux amateurs. En juin 1902, Monfreid lui écrivit qu’il avait bien repris les gravures chez Vollard et les avait exposées en mai au salon de Béziers où il en avait seulement vendu quatre (Georges-Daniel de Monfreid, Sur Paul Gauguin, suivi de Lettres à Paul Gauguin, 2003). Monfreid vendit encore quelques épreuves puis, après la mort de Gauguin, en offrit quelques-unes à des amateurs.

En 1910, l'astronome d'origine slovaque Milan Štefánik rapporta en France onze bois qu’il avait retrouvés à Tahiti « dans une clôture ». Trois d’entre eux appartenaient à la Suite Vollard : Soyez amoureuses, vous serez heureuses ; Femmes, animaux et feuillage ; Te arii vahine. En 1911, Štefánik fit imprimer les onze planches par le graveur tchèque František Šimon puis chercha à vendre les matrices à des galeries et des musées, sans succès. Des retirages ont été édités à Prague en 1930 et 1961. Les onze blocs sont conservés aujourd’hui par la Galerie Nationale à Prague. Deux autres planches de la Suite Vollard avaient été réimprimées avant 1918 par E. Druet : Le Calvaire breton ; L’Enlèvement d’Europe. Elles furent rachetées ensuite par le fils de Gauguin, Pola Gauguin, qui en fit des retirages. Le bois du Calvaire breton est conservé aujourd’hui par la Bibliothèque nationale de France ; celui de l’Enlèvement d’Europe est au Fine Arts Museum à Boston. Le bois de Te Atua a été réimprimé en 1995 par le musée Gauguin de Tahiti à une centaine d’épreuves.

Le bois du Porteur de feï n’ayant pas été retrouvé, il n’en existe aucun tirage posthume. Seule une reproduction médiocre de l'épreuve annotée PG3 a été éditée aux États-Unis en 1943.

(Source : Galerie Sarah Sauvin)

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